samedi 27 août 2011

L'embryogenèse de la langue tunisienne #Tounsi #Tunisie #Tunisia

Le titre peut paraître loufoque et c'est pourtant belle et bien ce qui arrive. En Tunisie, une future langue officielle est entrain de s'installer: la langue tunisienne... Ettounsi... Fhemtni?
Ettounsi, notre langue parlée, une langue que nous n'avons pas besoin d'apprendre à l'école comment la parler. Nous n'avons pas besoin d'apprendre ses structures grammaticales ni ses règles de conjugaison. Car elle porte en son essence cette propriété qui la rend universelle sur un territoire géographique, elle est la langue maternelle de tous les tunisiens natifs.




Photo du groupe que j'ai crée il y a 4 ans

Ma première prise de conscience remonte aux temps où je préparais un dossier administratif pour préparer mon immigration, quelque part sur un formulaire il y avait le champs "langue maternelle". Ecrire mon nom, mon prénom ou mon lieu de naissance ne me demandait aucune réflexion. Je les accouche au stylo, sans me poser la moindre questions. Mais le champs langue maternelle sur ce formulaire a provoqué le doute en moi. Je le regarde et je me dis : "pourtant c'est simple", il suffit de mettre "L'Arabe". Je l'ai écris mais avec le sentiment d'avoir trahi quelque chose et d'avoir même menti. Ce doute aller faire germer en moi une idée et si ce n'était pas l'arabe ma langue maternelle et si c'était le tunisien?! Ettounsi?!

Depuis, je me suis décidé à en parler avec des amis. Je me suis dit la première chose à faire et de réviser le sens de l’expression "langue maternelle". Une langue maternelle est la première langue que reçoit un enfant de ses parents. De ce point de vue, c'est une langue naturelle imprégnée de manière orale. Une personne qui n'a jamais été à l'école arriverait à la parler sans avoir besoin de suivre un cour. C'était ma première hypothèse. Elle est très faible en soi car elle ne distingue pas une langue d'un dialecte (el-lahja).

Je me dis si c'est une langue et non pas un dialecte de l'arabe, particulier aux tunisiens, alors elle doit être compréhensible que par les tunisiens et non pas des citoyens des autres pays arabes. Là je suis encore dans le flou car de ma part j'arrive à comprendre, avec un peu de mal, un égyptien, et avec un peu plus de facilité un algérien mais d'autres part une personne analphabète ma fe grand-mère par exemple n'y arrivait pas. A ce stade c'était difficile pour moi de trancher entre qualifier tounsi de dialecte de l'arabe ou de langue nouvelle.

Je fonce et je crée un groupe facebook "Lougthi ettounsi w mouch el3arbi" et je commence à inviter des amis pour en parler. Beaucoup étaient motivés par l'idée et nous avons eu un échange fructifiant et des fois incendiaire avec les néo-nationaliste arabes. J'invite Taoufik Jebali à mon groupe. Il n'a pas accepté mon invitation mais il m'a tout de même justifier son refus: "Ton groupe a un ton politique et non pas scientifique, ton idée est bonne mais il faut la creuser scientifiquement et non pas la revendiquer politiquement". Il m'a fais savoir que l'idée est dans l'air et qu'un certain tunisien "Hedi Belagh" avait tenté de prouver que le tunisien est une langue et est même un vecteur potentiel de littérature en traduisant "Le petit prince" - Saint-Exupéry" en tunisien. Hedi Belagh a aussi écris un recueil de proverbes tunisiens.

Pendant l'échange que j'ai eu avec mes amis, j'avais pris connaissance de l'histoire de la langue maltaise. Cette langue est la seule langue gréco-sémitico-romaine. Les maltais n'ont pu l'instaurer comme langue officielle qu'en 1930, ils avaient un sérieux problème d'intercompréhension. L'île était divisée en italophone, arabophone et anglophone. La seule langue qui les réunissait était la langue parlée. Le maltais en s'imposant comme langue écrite avait permis l'intégration culturelle des maltais et a même provoqué une sorte de révolution culturelle. Au passage, faites l'expérience et cherchez sur le web un site ou un blog maltais. Vous allez être frapper par son rapprochement au tounsi et je dis bien Tounsi et non pas l'Arabe!
Par exemple, le mot "jeunesse" (Toufoula en arabe) se traduit en "Zghazegh" en maltais qui n'est autre que le mot "Zoghzogh" en tounsi, vous allez sans doute rire parce que nous avons l'habitude de l'utiliser dans un cadre familier mais en malte le ministère de la jeunesse s'appelle "Ministru tal zoghzogh" ce qui veux dire que ce mot est utilisé dans un registre soutenu. C'est exemple est frappant car il nous montre que l'appartenance d'un mot (ou une étymologie) à un registre dépend de la langue. A mon sens cela veux dire que si nous voulons instaurer Ettounsi, il faut commencer à poser ses mots sur du papiers. Ce n'est que de cette manière que nous construisons un registre soutenu, en fouillant la langue. Quitte à ce qu'on croit qu'on est non crédible. Vous verrez que les mots se remplissent d'autres sens et accroissent leur valeur intrinsèque (ou ce que les commerciaux appellent "valeur ajoutée") . Ce qui les fera atteindre un registre plus soutenu. Et inévitablement créer un vocabulaire soutenu pour Tounsi. C'est en cela que se résume la mécanique des mots.

Bref, je ferme cette parenthèse et je reviens à l'après échange que j'ai eu avec Taoufik Jebali. Je me dis qu'il a raison, il faut bien chercher des arguments scientifiques, le problème c'est que je ne suis pas un linguiste.

Quelques temps plus tard, l'occasion s'est présentée pour que je prenne un café avec Abdessatar Ammamou, un historien de l'Institut de Protection du Patrimoine. Je lui fais part de cette idée et il me dit: "Je le pense aussi mais cette idée me fais peur" et il m'explique que beaucoup de linguistes croient que Tounsi a passé le cap d'un simple dialecte et est devenu belle et bien une langue à part mais que pour des raisons culturelles et identitaires ce sujet est tabou.



Image de la page de fans de l'ISIE, la communication est faite en Tounsi

Aujourd'hui et après 3 ans, je suis plus que convaincu que le jour viendra où le tunisien sera notre langue officielle. Je manque encore d'arguments scientifiques, je n'ai pas eu le temps de me former à la linguistique pour comprendre les arguments. Mais je crois qu'un tabou ne sautera pas qu'à coup d'arguments scientifiques. Il faut l'écrire cette langue et l'explorer dans toutes ses dimensions. Et personne ne pourra nier le fait que les personnages publiques (politiques, intellectuels et autres) sont beaucoup plus proche de nous quand il parle en Tounsi parcequ'ils communiquent avec nous. La jeunesse est entrain de faire ce travail de production culturel, beaucoup de blogs, page facebook et autre sont écris et continu d'être écris en Tounsi.

Ce n'est pas anodin, la preuve l'ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Elections) a communiqué exclusivement en Tounsi. Les publicitaires l'ont très bien compris, il faut parler b'Tounsi pour toucher les gens. Le site même du Ministère de la Jeunesse l'a compris aussi pour parler aux jeunes il faut parler en Tounsi et dernièrement nous commençons à re-chanter en Tounsi...

Ecrire en Tounsi permet de communiquer (faire atteindre des idées) et non pas de prouver une quelconque performance littéraire. Les intellectuels devraient se focaliser sur la communication des idées et non pas la performance littéraire. Je prends l'exemple de eux qui utilisent l'Arabe ou le Français en parlé. Ceux là quand ils parlent en publique ne font que communiquer leur classe sociale ou leur idéologie d'appartenance mais ne réussissent à communiquer leurs idées aux grand publics que très difficilement. D'ailleurs beaucoup appelle ça "La langue de bois".

En somme, les portes des maisons d'édition doivent être ouvertes pour permettre la publication de livres en Tounsi, jusqu'à maintenant à ma connaissance seulement le livre de Hedi Belagh et des pièces de théâtre de Fadhel J3aybi et Jalila Baccar sont publiés en Tounsi (Familia, Khamsoune...).
Ceci permettra le développement d'un registre soutenu et l'enrichissement du vocabulaire du Tounsi.

En attendant, nous continuerons d'écrire sur nos blogs, sur internet jusqu'à ce que le virtuel devient une réalité, nous l'avons fait une fois pour chasser un dictateur nous le ferons une deuxième fois pour instaurer notre souveraineté culturelle.

PS: Cet article est intentionnellement écris en français.




--------------- Remarques post-publication -----------------------
* Nous avons un nombre très important de chômeurs diplômés de langues étrangères: anglais, français au 9 avril par exemple. Si des linguistes donnent des formations à ses chômeurs en Tounsi écrit, nous pouvons créer un cours dans chaque cursus et à tout les niveaux de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire pour mettre enseigner les régles de grammaire, orthographe et de conjugaison du Tounsi. D'une pierre deux coups, on crée de l'emploi et on rafraîchit notre enseignement pour qu'il colle plus à la réalité.

** D'après les derniers chiffres, en Tunisie nous avons 19% d'analphabètes en 2009 , ce chiffre est très élevé par rapport aux pays développés. Instaurer Tounsi comme langue officielle permettra de réduire ce chiffre très facilement. Il suffit d'apprendre les analphabètes à écrire une langue qu'ils connaissent déjà. Cela est sûrement une solution radicale à l'analphabétisme.

*** Je rêve du jours où les chercheurs tunisiens publieront leur travaux scientifiques en tunisien aussi!
Si seulement quelqu'un pouvait toucher un mot à l'occasion de la réunion des universitaires pour réformer le système éducatif http://pactetunisien.com/reforme-education/#formulaire

**** Je viens de créer la page facebook إكتب بتونسي http://goo.gl/TGbgr
Le but de cette page est de rassembler les écrits littéraires et scientifiques en tounsi...
***** Pour ma part j'essaye de faire une expérience faire de la vulgarisation scientifique en tounsi sur mon blog khamem ici: http://khamem.blogspot.com/ et de traduction d'un discrours de Sartre http://sartrebettounsi.blogspot.com/

4 commentaires:

الـبَــشّ a dit…

L'idée n'est pas nouvelle, et il est plus ou moins accepté parmi les linguistes que les "dialectes" arabes, en particulier le tunisien, sont plus proches de langues à part entière que de dialectes de l'Arabe littéraire. Et par souci de ne vexer personne on les appelle des "variétés linguistiques" de l'Arabe.
La situation est bel et bien politique, il est clair que l'Arabe n'est pas la langue maternelle des Tunisiens puisqu'une langue maternelle ne s'apprend pas à l'école. Mais revendiquer le Tunisien comme langue maternelle (et même officielle) aux dépens de l'Arabe revient, dans l'esprit populaire complotiste et rempli de tabous, à attaquer l'Arabe en tant que langue d'union inter-nationale mais surtout en tant que langue "officielle" de la religion musulmane (l'intouchable n°1 par excellence).
Et puisque la source du problème est politique, la solution ne peut être que politique aussi. Le courant identitaire Tunisien est assez faible malheureusement (on a bien vu que le débat sur l'identité a duré exactement le temps de dire "Arabo-musulmane, adjugé, vendu" ). Il faut donc de la bonne volonté politique et un effort gouvernemental sérieux de promotion de la langue tunisienne.
Mais le plus important reste la standardisation du Tunisien, les règles de grammaire et de conjugaison existent bel et bien et il suffirait (quoiqu'en pratique, l'opération n'est pas du tout simple) de les noter et d'adopter des règles orthographiques adaptées. La standardisation est ce qu'a fait du maltais la langue qu'il est aujourd'hui, sinon on parlerait en anglais ou italien aujourd'hui à Malte.
Dans tout les cas, il est prématuré de parler du Tunisien comme langue officielle, il faudrait que ce soit d'abord une langue écrite mais aussi beaucoup plus qu'un simple roman traduit et deux pièces de théâtre comme patrimoine littéraire.

Lbachch (en mode sérieux pour une fois :P )

MessouT7essou a dit…

Merci pour l'intervention. L'idée n'est pas nouvelle certes mais elle n'est pas très répandue à ma connaissance. De jeunes algériens sont aussi entrain de creuser l'idée. Ils ne sont pas spécialistes mais ils essayent tout de même d'élaborer un dictionnaire. Je pense que la solution politique au problème est de redéfinir notre identité comme émmanente de l'Histoire du pays et non pas de sa langue ou de sa religion. Là ça prenderai tout son sens, l'appartenance au monde arabe ne sera pas touchée vu qu'on partage beaucoup d'évenements historiques avec le reste du monde arabe. Là viendrait le rôle des historiens de souligner et valoriser nos particularités historiques et nos points communs avec le monde arabe. La religion après tout est bel et bien traduite avec ses textes religieux dans pleins de langues. En tout cas, ce que je vois maintenant c'est que la production écrite commence à faire effervescence, sur la blogosphère, il faudrait passer bientôt au support papier qui reste sûrement le support à fort capital symbolique. Un jour peut-être il y a ura un texte fondateur de notre langue comme "Comdédie divine" de Dante pour l'Italien (parlée de Florence à l'époque) ou l'Ordonnance_de_Villers-Cotterêts pour le Français :)

Anonyme a dit…

Je suis intéressé par cette idée. Ça m'a frappé avant puis j'ai quitter car j'ai rencontré des problèmes avec la standardisation du tunisien.
Après voir la langue maltaise je pense que c plus possible. On pourrais même utiliser la langue maltaise comme départ puis modifier ce qu'on doit modifier. Mais il reste le problème de l'orthographe plus le problème politique est ce que les arabo-nationalistes vont accepter les caractères latin, est ce qu'on doit garder les caractères arabes, ou on doit faire les deux version (un peu comme les variétés du japonnais). Bref, c'est encore un rêve mais on doit commencer un jour par prendre l'initiative

Anonyme a dit…

Fi ħkyet esstandardisation, famma méthode tchabbah lelmalti: stundard.wordpress.com.

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